« Un laboratoire exemplaire dans l'œil du cyclone » pour Metronews, « Biotrial, un labo à la bonne réputation » pour Le Parisien, « Un acteur important des essais thérapeutiques » pour Ouest France : voici quelques-uns des titres de presse relatifs à l'accident survenu dans le cadre d’un essai clinique, révélé par la ministre de la Santé Marisol Touraine le vendredi 15 janvier et qui a déjà causé le décès d’un volontaire, l’hospitalisation de 5 autres et le rappel de 90 participants.
Une presse généraliste étonnamment bienveillante
Ces titres ont de quoi surprendre : on a rarement vu une institution médicale être traitée de manière si clémente par la presse généraliste, tandis qu’elle fait l’objet de 3 enquêtes simultanées, par la Police Judiciaire, l’Inspection Générale des Affaires Sociales et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament.
Cette indulgence est-elle le fruit du hasard ? A l’évidence non. Elle est le premier résultat d'une situation de crise jusqu'ici bien gérée par Biotrial et qui lui a permis de parer aux premières accusations dont il était la cible tout indiqué. A l’examen, la communication de crise de Biotrial a reposé sur 3 piliers :
Pilier 1 : l’exemplarité pour désamorcer les critiques sur la négligence
D'abord, une bonne analyse de l'accusation virtuelle ; Biotrial a immédiatement compris qu’il ne se trouvait pas face à une mise en cause pour tricherie ou dissimulation, comme dans l'affaire du Mediator ou des prothèses PIP par exemple, mais face à celle de négligences éventuelles.
Désamorcer cette critique passait donc par la multiplication des gages de l’exemplarité.
Biotrial s’y est inlassablement employé. Sur le fond, en rappelant et en faisant rappeler par d’autres qu’il s’agissait d’un centre de recherche important, agréé et régulièrement contrôlé, que toutes les autorisations avaient bien été obtenues et que tous les protocoles avaient été respectés. Sur la forme, en choisissant sans tergiverser l’option de la transparence totale face à l’opinion et une pleine coopération avec les autorités judiciaires et sanitaires. C’est cette attitude qui l’a notamment conduit à tenir un point presse samedi après-midi, alors même que les perquisitions se déroulant dans ses locaux n’étaient pas encore terminées.
Parallèlement, le centre a adopté en urgence nombre de mesures adéquates, comme le rappel des 90 participants ou le déploiement d’un plan d’accompagnement pour les volontaires et leurs familles.
Pilier 2 : une présence médiatique importante pour imposer son cadrage sur les événements
Le deuxième pilier de cette communication de crise, c’est l’occupation de l’espace médiatique.
Profitant du silence relatif du laboratoire ordonnateur Bial et de l’impossibilité pour les victimes de s’exprimer, Biotrial s’est retrouvé animateur principal du timing de cette crise et donc, de son traitement médiatique. On ne dénombre pas moins de 3 expressions publiques du centre de recherche en 48 heures. Dès le vendredi après-midi par communiqué de presse tout d’abord, devançant de quelques minutes la conférence de presse de la ministre se tenant depuis le CHU de Rennes ; puis le samedi après-midi lors d’un point presse de son directeur général François Peaucelle, durant lequel ce dernier a pu installer l’idée du « cadre d’événements imprévisibles, inexpliqués et inexplicables ». Une troisième fois, à nouveau par communiqué de presse le dimanche après-midi, dans la foulée immédiate de l’annonce du décès du volontaire le plus gravement atteint.
C’est grâce à cette présence médiatique importante que Biotrial est notamment parvenu à imposer son terme de prédilection, celui de « volontaire », qui rappelle le consentement individuel et le risque inhérent aux essais cliniques, au détriment de celui de « cobaye » trop déshumanisant, de celui de « patient », qui aurait pu laisser entendre une défaillance médicale, et bien entendu de celui de « victime », intrinsèquement accusateur et donc systématiquement exclu par le centre de recherche.
Pilier 3 : protéger les autres accusés potentiels pour pacifier le champ
Enfin Biotrial a, au-delà de sa pleine coopération avec les autorités, choisi de défendre les autres institutions virtuellement incriminées : d’une part, les tutelles sanitaires, à peine remises des accusations de manquements survenues lors de l’affaire du Mediator ; d’autre part, le laboratoire portugais Bial pour le compte duquel ces tests étaient réalisés. Biotrial a par exemple choisi de laisser à la ministre le soin de révéler l’accident et de s’y préparer en amont, plutôt que de n’annoncer ce drame par lui-même. Biotrial n’a pas non plus hésité à protéger son client Bial : « ça fait six ans qu'on travaille avec le laboratoire Bial, c'est un laboratoire sérieux, reconnu » a ainsi déclaré le directeur général de Biotrial lors du point presse du samedi après-midi.
Ce faisant, Biotrial a voulu pacifier le champ et éviter de sombrer dans la logique d’accusations réciproques collectivement préjudiciable.Et ça a marché ! Pour le moment ni les pouvoirs publics, ni le laboratoire Bial, ni les médecins du CHU de Rennes, ni même les proches des victimes, n’ont osé incriminer le centre de recherche, ne serait-ce qu’à demi-mot. Cette situation ne durera sans doute pas indéfiniment, mais elle a eu le mérite de tenir pendant ces premiers jours décisifs en termes de réputation. L’ « inexpliqué » va trouver une explication dans les prochains jours, mais l’attention de l’opinion publique sera déjà moins forte.
Résumons donc la description légitime des faits qui s’est imposée par l’attitude de Biotrial et le consentement des autres parties prenantes : le drame révélé vendredi est un accident imprévisible et inexplicable, impliquant un centre de recherche exemplaire à tous points de vue et des volontaires pleinement conscients des risques inhérents aux essais cliniques.
Pour le moment, Biotrial réalise un sans faute ou presque en termes de gestion de crise. Il a passé la première vague. Attention toutefois à l’excès de confiance : on a vu le centre de recherche s’enhardir dimanche soir au point d’oser suggérer « une révision des standards internationaux encadrant ces essais », proposition maladroite, à la fois en raison de son timing (les enquêtes n’ont pas encore innocenté Biotrial !), mais aussi parce qu’elle réactive l’idée de manquements ou plus exactement celle, analogue, d’une trop grande légèreté des standards internationaux qui aurait été jusqu’ici profitable au centre de recherche.
L’humilité est d’autant plus nécessaire que si l’accusation de négligence semble être pour le moment bien conjurée, Biotrial va très vite se retrouver face à un défi autrement plus structurant pour l’avenir de son activité : reconquérir la confiance des volontaires immanquablement altérée par l’accident survenu en ce début d’année.
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